Le jeudi 26 septembre s’est tenue une conférence portant sur le stress, présentée par M. Lothar Schulz, qui a rassemblé un groupe d’élèves en Terminale, de spécialité SVT notamment.
M. Schulz était déjà intervenu l’année passée pour parler de son combat contre la STASI* dans l’Allemagne de l’Est en 1978, à la suite de quoi il a été arrêté et enfermé en tant que prisonnier politique. Cette conférence s’est, cette fois-ci, concentrée sur l’aspect scientifique et psychologique de l’enfermement qu’il a subi, et non sur l’aspect historique des faits.
M. Schulz a été enfermé en 1978 par la STASI dans la prison de Hohenschönhausen à Berlin (aujourd’hui connue sous le nom de Gedenkstätte Hohenschönhausen), dans laquelle il est resté 1 an et 10 mois. Dans les premiers jours suivant son arrestation, il a été interrogé pendant 26h par les gardiens et privé de sommeil pendant 40h. Les tortures psychologiques qu’il a subies par la suite étaient des tortures dites « blanches », c’est-à-dire qu’elles n’étaient pas visibles, ne laissaient pas de traces sur le corps et donc, pas de preuves de maltraitance. Les 3 formes de tortures psychologiques utilisées contre les prisonniers sont les suivantes :
-Privation sensorielle : privation de stimuli pour le cerveau, donc moins de couleurs, de sons, d’odeurs et de goûts, ce qui peut conduire à des hallucinations et même à la folie, car lorsque le cerveau ne reçoit plus de stimuli, il s’en crée lui-même. Pour contrer cet effet, il utilisait des astuces très simples, telles que : ne pas manger son repas trop vite, car les couleurs des légumes (les carottes notamment) lui permettaient de voir autre chose que du gris ; se retenir de lire toutes les pages du journal qu’on lui donnait dès le début pour éviter la frustration ; etc.
-Privation de sommeil : elle devient une torture lorsqu’elle dure plus de 24h, et elle est, d’après M. Schulz, pire que la privation d’eau.
-Surcharge sensorielle : à l’inverse de la privation sensorielle, celle-ci consiste en le fait de surcharger insupportablement les sens, avec par exemple de la musique très forte, ou encore une lumière stroboscopique. Depuis sa sortie de prison et à cause de cette torture, M. Schulz ne regarde plus la télévision et préfère lire.
Cet enfermement lui a causé, ainsi qu’aux autres prisonniers, beaucoup de stress et notamment un stress chronique** qui a perduré pendant toute la durée de son enfermement. Pour d’autres, il est même resté bien après la prison. Ce stress était accentué lorsqu’il se retrouvait dans une pièce plus petite, ou lorsqu’un changement, même minime, apparaissait. Cela s’est produit un jour de pluie tellement forte que les gardiens n’ont pas fait sortir à l’air les prisonniers de leur cellule, ce qui a eu un impact sur leur moral et augmenté leur niveau de stress. Ce qui lui a permis de tenir et de garder sa conscience en prison, a été de penser à ses objectifs, et de se voir comme un sportif, un combattant et non comme une victime.
Les conséquences de ce stress ont été nombreuses pour les prisonniers : dépression, suicides (il y en a eu 3 lorsque M. Schulz y était), claustrophobie pour certains, folie temporaire, ou encore d’autres réflexes conservés de la prison, tels que chercher des objets métalliques pour les avaler afin d’aller à l’hôpital et échapper à la prison 2-3 semaines, etc. À la suite de cela, des programmes d’aide et des stages ont été mis en place pour ceux souffrants de dommages psychologiques, et des médicaments contre le stress leurs ont été proposés.
M. Schulz n’a heureusement pas souffert de ces conséquences lorsqu’il a été libéré. Pour lui, l’état de stress chronique s’est arrêté une fois sorti de prison. Son besoin de liberté s’est alors fait ressentir et il a parcouru à vélo une vingtaine de pays, comptabilisant un total de 54 000km. Il a participé en 2020 à une étude à l’Hôpital universitaire Charité de Berlin sur sa santé psychologique et ses résultats étaient positifs. Il n’a aujourd’hui besoin que de 4 à 5h de sommeil par jour mais sa santé et sa concentration sont toujours là.
M. Schulz est ainsi un témoin des tortures psychologiques perpétrées par la STASI, mais également un modèle de résilience : il a surmonté ces épreuves grâce à sa volonté et sa force d’esprit. Son secret ? Toujours savoir trouver un aspect positif à une situation, quelles que soient les circonstances !
*Stasi = Staatssicherheit = sécurité de l’Etat
**Le stress chronique est une réaction mal-adaptative lors de laquelle l’état de stress persiste (la résilience n’a pas lieu), car l’organisme est débordé dans ses capacités d’adaptation. Le taux de cortisol (hormone du stress) reste élevé en permanence, entraînant des conséquences à la fois physiologiques, et sur le fonctionnement du cerveau.